Campagne de mesure dans les Alpes en 2017

Les Géomètres-Experts se sont engagés à mesurer à intervalles réguliers certains sommets des Alpes afin de  fournir des données fiables à la communauté scientifique.

C'était le cas cette année avec le massif des Ecrins et le Mont-Blanc,  Jean-Paul ROQUES Géomètre-Expert faisait parti des deux expéditions.

La mesure du Massif des Ecrins :

L'expédition début juillet avait pour but d'enchaîner la mesure de trois sommets attenants, le dôme de neige des Ecrins (4009 m), le Pic Lory (4087 m) et la barre des Ecrins (4101 m).

Les conditions sur la barre des Ecrins étant particulièrement dangereuses (accumulation de neige et surtout de glace) sur  le fil de l'arrête rocheuse, ce n'est que fin août à la quatrième tentative que l'ensemble des mesures a pu être réalisé. Il s'agissait là de la première mesure après la pose des repères en 2014. Ces contrôles seront réalisés tous les 4 ans.

La barre des Ecrins est le point culminant du massif des Ecrins et de l'Oisans, c'est aussi le 4000 m le plus au sud du massif alpin. Avant l'annexion de la savoie et du Mont-blanc en 1860 , c'était le plus haut sommet de France. Gravi pour la première fois le 25 juin 1864 par l'Anglais Edward Whymper, il n'a cessé d'attirer les plus grands noms de la montagne.

Le Mont-Blanc mesuré le 13 septembre 2017 à 4 808,72 m

L'expédition de cette année fut l'une des plus difficiles si ce n'est la plus dure du fait des conditions climatiques ce jour là. Partis du refuge de tête rousse à 1 h30 du matin, les Géomètres-Experts ont du subir la dégradation des conditions météorologiques tout au long de la journée.

En effet, le vent n'a cessé d'augmenter passant de 20 km/h à près de 80 km/h dans l'après-midi rendant le passage sur l'arête sommitale risqué. Le vent s'est par ailleurs doublé d'un brouillard particulièrement dense et givrant compliquant aussi grandement la progression des cordées.

Les Géomètres-Experts ont commencé en 2001 à mesurer le sommet du Mont Blanc avec une campagne tous les deux ans. Les résultats indiquent que le sommet varie entre 4 807m et 4 811m depuis cette date (du fait des variations d’accumulation de neige).

Lors de la dernière campagne de mesures en 2015, le sommet s'élevait à 4 808,73m. Son altitude est donc restée stable.
 

Un phénomène surprenant :

Comme lors des mesures effectuées en 2015, il s'avère que le sommet du Mont Blanc est plus haut (de 50 cm à 1 m) à la fin de l'été en septembre par rapport au mois de juin.

Analyses et explications de ces résultats.

L'isotherme zéro degré correspond à l'altitude au-dessus de laquelle les températures sont négatives.

Cet isotherme n'arrive quasiment jamais à 4800m de telle sorte qu'au sommet du Mont Blanc, la température est toujours négative. C'est l'hiver toute l'année. La glace et la neige ne fondent donc jamais, c'est pourquoi, le réchauffement climatique et un été très chaud n'ont pas d'influence sur le sommet du Mont-Blanc.

Mais commet expliquer les variations et son élévation en été ?

En fait la glace est sujette à un phénomène d'écoulement. Pour que le Mont Blanc ne change pas d'altitude, il faut que l'apport de précipitations et le dépôt de neige compense cette baisse. Ce dépôt est extrêmement sensible à un facteur essentiel, le vent qui balaye le sommet. En fonction des précipitations et du vent à ce moment là, le neige et la  glace peuvent se fixer ou non au sommet.

C'est ainsi que le point culminant se déplace sur l'arrête sommitale orientée d'Est en Ouest en fonction du vent et ce de plusieurs mètres.

Les variations de l'altitude du sommet du Mont Blanc sont donc liées à des phénomènes très locaux ce qui explique son élévation entre mai et septembre malgré un été très chaud.

Les glaciologues s'appuient pour apprécier le réchauffement climatique sur l'évolution du volume et de la température interne des glaciers. Cette dernière est de -17°. Quand au volume des glaciers, on constate une perte annuelle de 1m d'épaisseur par an.
 

Dôme des Ecrins

Jean-Paul ROQUES en compagnie de Michel BAUD, Géomètre-Expert.

Que mesure-t-on ?

Le sommet du Mont Blanc est constitué d'une calotte glaciaire et de "neiges éternelles".

La roche n'est par visible au sommet, ce dernier étant recouvert d'une épaisse couche de glace et de neige.

En 2004, le Laboratoire de Glaciologie de Grenoble et l'université de Zurich ont déterminé l'épaisseur de glace au sommet par carottage et mesure radar. Le rocher a été déterminé à une altitude de 4 792 m en sachant que la surface du rocher n'est pas homogène mais constituée de plusieurs pics. Les mesures radars dans la glace n'étant pas très précises, on estime l'épaisseur entre 15 et 23m.

Les mesures effectuées sont donc prises sur le sommet du manteau neigeux. Les Géomètres-Experts déterminent visuellement le point le plus haut sur lequel ils posent un appareil de mesure. Puis avec un deuxième appareil est mesuré l'ensemble de la partie supérieure de la calotte glaciaire afin de confirmer le point culminant et de déterminer le volume au-dessus d'un plan de référence de 4800m.

Remarque :

La tectonique des plaques (déplacement des plaques de l'écorce terrestre) n'interfère pas dans la variation de l'altitude du Mont-Blanc. Le Laboratoire de l'Université du CNRS de Chambéry a déterminé en 2014 un point de référence sur le rocher attenant du Mont Blanc de Courmayeur situé à 650m au sud-est du Mont Blanc. Les mouvements de l'écorce terrestre sont négligeables, de l'ordre de 1.5 mm par an.

Comment sont effectuées les mesures ?

Les mesures sont effectuées grâce à des GPS. (Système de Positionnement par Satellites)

 Il s'agit du même principe que les appareils utilisés dans les voitures ou les téléphones portables.

Le récepteur GPS reçoit des signaux des satellites qui lui permettent de calculer sa position.

Il existe quatre constellations (ou origine des satellites) : le système  Américain GPS, le système russe GLONASS, le système européen GALILEO et le système chinois BEIDOU.

Pour obtenir une précision centimétrique en temps réel, l'Ordre des Géomètres-Experts Français a mis en place un réseau unique de stations permanentes au sol couvrant l'ensemble du territoire national : le réseau TERIA.

En calculant le vecteur entre la station permanente la plus proche et le point à déterminer, on obtient une précision centimétrique.

Les expéditions de cette année constituent à nouveau de belles aventures tant sur le plan technique que sur le plan humain démontrant encore une fois la capacité de la profession à se mobiliser pour contribuer, à son échelle, à la compréhension d'enjeux majeurs comme le réchauffement climatique.